La brève ligne d’hydravion entre Evian et Lausanne, de l’été 1930
Plus tard en 1930, une très brève ligne régulière d’hydravion existera entre Evian et Lausanne, prévue du 15 juin au 15 septembre. Pourquoi cette initiative ? Air-Union exploite déjà une ligne Paris-Genève et le chemin de fer Genève-Lausanne fonctionne très bien alors que les infrastructures routières et ferroviaires sont très insuffisantes ou inexistantes sur la rive française du lac. Le PLM (Paris-Lyon-Marseille) peut ainsi se connecter sur ce réseau. Lausanne, et son aérodrome, est également très proche des villes chéries des Anglais de la Riviera vaudoise : Vevey, Montreux, etc… Evian est une ville “chic” à la mode, riche de son casino, et une clientèle aisée veut pouvoir y avoir accès le plus facilement du monde. L’argent suisse est y aussi le bienvenu. Le casino de Divonne-les-bains n’est pas encore le 1er de France.
Un môle est donc implanté à Evian vers l’actuel Cercle de voile et le restaurant “La voile”. Un 2ème môle, aujourd’hui disparu, est situé à quelque 300m à l’ouest. Entre les deux, la grève en pente douce accueille les hydravions. Ce lieu sera la future plage publique avant l’extension du port de plaisance. En Suisse, l’accueil se fait à Ouchy, au bas de Lausanne. La compagnie Air-Union inaugure la ligne le 30 juin 1930 à grand renfort de discours des autorités des 2 nations. L’hydravion utilisé, un appareil Lioré-Olivier, est H-13. Ce biplan en bois à coque souple, construit à 32 exemplaires est mu par 2 moteurs Hispano-Suiza 8Aa de 150cv à hélice tractrice. Une douzaine d’appareils ont déjà été exploités sur la Côte d’Azur et à travers la Méditerranée entre 1923 et 1929, le 1er grand succès de la marque dans le domaine marin.
Vue frontale d’un hydravion bimoteur Leo H-13 des années 20-30
La traversée du 2 août 1930, avec 4 passagers à bord, sera tragique. Une minute après avoir décollé, l’hydravion fait une embardée, pique du nez, plonge dans l’eau, coule et remonte sur le dos. Parmi les débris on retrouve une blessée, Mme Madeleine Carlier, Lilloise en vacances à Evian, qui décédera de ses blessures à l’hôpital. Un couple de jeunes mariés lausannois ne sera jamais retrouvé, M. et Mme Raphaël Crélier. Le pilote Henri Vallin et le mécanicien René Bigot, domiciliés à Evian, ne sont que légèrement blessés. La ligne est aussitôt arrêtée.
A noter encore la présence locale de l’’hydravion FBA-17 de type HT4 (c/n.195), un biplan monomoteur quadriplace à hélice propulsive. Cet appareil bleu et blanc, immatriculé F-AJOR, est utilisé vers 1928-1930 par la Compagnie d’exploitation du Lac Léman pour la surveillance des rives. Fabriqué en 1927 à Argenteuil, il sera racheté par Louis Dolfuss, parent du fondateur du Musées de l’air de Paris, où il est offert en 1966. Complètement restauré en 1998, l’hydravion est visible au public depuis peu au Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget.
Le FBA-17 qui fonctionna sur le Léman français
entre 1928 et 1930 (Photo MAE Le Bourget).
Le projet d’Hydrobase militaire d’Amphion pour les grands hydravions
De gros hydravions ont failli venir s’installer à Amphion durant la 2ème Guerre mondiale. Suite à l’avance allemande en zone libre (France, 11 nov.1942), le Secrétariat d’Etat à l’Aviation fait déboiser au bord du lac, dans une ferme d’Amphion, une bande de 200m, large de 20m, et commence rapidement des travaux (18 déc.1942). Le lendemain le gouvernement de Vichy ordonne le repli des gros hydravions stationnés à Marignane, vers le lac d’Annecy, à déplacer ensuite vers le lac Léman. Il donne son accord de principe sur les projets d’aménagement des nouvelles installations de la nouvelle hydrobase temporaire d’Amphion. L’intention et d’y poursuivre les essais et de pouvoir préserver les très gros appareils, à quelques lieu de là, en Suisse, au cas où les événements se gâteraient. Cela concerne les hydravions géants transatlantiques SE-200, Laté-631 et Potez Cams-161 qui nécessiteront 3 postes différents au bord du Léman.
En janvier 1943 du matériel est expédié vers Amphion. Des travaux de canalisation d’eau et d’électricité, une mise à niveau sont effectués. Plus tard on construit un hangar préfabriqué de 74x16m (garage Piquand), comme entrepôt, pour Latécoère, la SNCAN, la SNCASE, avec atelier d’entoilage et garage. Certains chalets servent de logements au personnel des 3 compagnies. Des bureaux sont attribués à la “Commission d’essais des grands hydravions”. Un quai pour la mise à l’eau est réalisé dans la zone du port. Des grilles métalliques pour aérodrome sont soudées sur les chemins de roulement. Mais concrètement, on occupe illégalement des terrains appartenant à la “Sté d’exploitation des sables et graviers de la Dranse” (soc. Suisse), ceux d’une ferme privée et d’autres de la commune d’Amphion-Publier. L’aspect sera régularisé le 12 avril par un ordre de réquisition à l’effet rétroactif au 19.12.1942.
Mais hélas le 18 avril les Allemands réquisitionnent 2 Laté-631 et 2 SE-200. Les avions quittent Marignane, décorés de cocardes allemandes, pour le lac de Constance (D), où ils seront rapidement coulés par les anglais ! L’hydrobase d’Amphion n’est alors plus nécessaire. La Commission d’essais sera dissoute le 30 juin 1944 suite à la libération de l’hydrobase de Biscarrosse. En 1946, une société nautique pense alors utiliser les lieux. Mais compte tenu des frais de remise en état on cherche un accord à l’amiable avec les expropriés. Enfin, en 1948, on y crée une colonie de vacances de 5 ha existant toujours de nos jours. Sous le nom de “Centre Vacances Aviation Civile Hydrobase” elle est prévue pour quelque 135 enfants de 6 à 13 ans du personnel de la DGAC et de Météo-France (1034, route de Dranse). A citer encore, le projet anecdotique et inabouti d’un aérodrome dans le lotissement du Grand Mothay, abandonné en 1955. Merci à Henri Conan pour toutes les données liées à ce chapitre de l’hydrobase.
Le géant français Laté-631, Un des plus grands hydravions d’Europe, propulsé par 6 moteurs. viendra bien se poser sur le Léman, mais en juin 1948. Le plus gros appareil volant que le Léman n’ait jamais porté.
Le Laté-631 F-BDRC devant la Rade de Genève
Un mois et demi plus tard, le 1er août 1948, ce même géant, parti de la Martinique, périssait corps et biens dans l’Atlantique, à 1.200 miles de Dakar.
A Evian, depuis le 21ème siècle, le meeting aérien d’août crée un renouveau des hydravions sur le Léman. Là, des appareils aujourd’hui de petite taille ne demandent probablement qu’à grossir !
Auteur : Jean-Claude Cailliez d’après les recherches de M. Pierre PIQUILLOUD de l’Association «Mon voisin Gabriel».
Source : Avec l’aimable autorisation de son auteur, cet article est tiré de l’excellent Site des pionniers de l’aéronautique à Genève : Pionnair-GE Visitez le, vous y trouverez de nombreux autres récits.