Dès 1905, les 1ers essais aéronautiques sur flotteurs hantent les eaux du Léman français, d’abord à Amphion, port des pionniers. Puis une tentative de ligne d’hydravion Evian-Lausanne a lieu en 1930. La 2ème Guerre mondiale manque d’amener là les plus gros appareils du genre. La famille Cuénod, de Montreux, participe à cet essor de 1905 à 1911, alors qu’un “Montreusien” né en 1927 a banni les hydros des eaux suisso-lémaniques.

L’aviation, née aux USA, selon certains, est un bébé élevé en France !

En 1903, en Europe, on n’a pas encore réussi de véritables vols avec un appareil à moteur enlevant son pilote. Les tentatives sont toujours centrées autour de planeurs de type Chanute, Hargrave ou Wright. Il n’y a pas vraiment de moteur léger disponible et l’on ignore même quel doit être leur puissance pour pouvoir s’élever. Bien que le vol à moteur “à essence” soit né aux USA, tout le monde sait que ce bébé a finalement été élevé en France. On est donc là dans les tous débuts de cette “éducation”. Un des fondateurs de l’Aéroclub de France (1898), Ernest Archdeacon (1865-1950), à la fois savant, mécène et stimulateur de projets, tente diverses expériences jusqu’en 1906 avec des planeurs tractés. Au milieu de ces expériences se révèleront Gabriel Voisin (1880-1873), Louis Blériot et bien d’autres pionniers de l’air.

Vers la fin de 1903, Archdeacon a rassemblé un “consortium intellectuel”, dont Louis Bériot, Ferdinand Ferber, et Gabriel Voisin qui travaille alors chez E.Surcouf à Billancourt où il apprend le dessin industriel et qui deviendra rapidement l’ingénieur du groupe. Le 1er planeur d’Archdeacon est de type Chanute/Wright, construit à Chalais-Meudon chez Dargent. Les 8-10 avril 1904, c’est Voisin qui l’essaie dans les dunes de Berck-plage, réalisant de brèves envolées un peu erratiques, de 10-25 secondes, mais dans des essais conduits avec systématie. Pour la suite des tests, on opte pour un planeur plus grand, construit chez Surcouf, avec 2 plans cellulaires de type Hargrave, amélioré selon les conseils de Ferber, qui est d’abord testé remorqué derrière une automobile, puis tracté sur la Seine faute d’autre solution près de Paris. Le milieu aquatique, moins dangereux en cas de crash, est déterminant. Cet hydroplaneur-Archdeacon, réalisé par Voisin, est posé sur 2 coques de canots en guise de flotteurs. D’une surface portant de 50m2, il pèse quelque 310kg !

Le 1er essai : Le 8 juin 1905, entre les ponts de Billancourt et de Sèvre, se réalise une excitante expérience : Voisin, assis dans l’hydroplaneur de toile et bambou, se laisse tirer par le canot rapide “La Rapière”, piloté par Alphonse Tellier. Le biplan décolle et plane quelque secondes, à 16-20m d’altitude, au-dessus du miroir de la Seine. Il réussit un vol plané impeccable de 3 à 500m, avec un excellent atterrissage.

Au 2ème essai, les flotteurs crèvent, Voisin se sauve à la nage et l’on repêche l’appareil.

Le 3ème essai : le 18 juillet, l’appareil réparé, amélioré, vole sur 60m. C’est un résultat moindre suite au remorquage brutal du canot moteur “Antoinette”, sans embrayage, de Léon Levavasseur (1863-1922).

Au dernier essai, après le décollage, l’appareil se renverse subitement sur le côté et plonge dans l’eau. Après 10 secondes Voisin refait surface : “Mon accident sur la Seine, m’a laissé une crainte maladive des “essais”, crainte qui ne m’a jamais abandonné ni en aviation, ni en voiture, ni même en chemin de fer.”

En fait, sans commandes de vol, le planeur ne passe pas aussi bien les virages de la Seine que le canot. Il lui faut un lieu avec de plus longues lignes droites, mais également plus large. De plus, des coups de vent latéraux naissent dès que la rivière réoriente son cours. On en tire malgré tout de bonnes informations grâce au dynamomètre placé entre le canot et l’appareil : il faut au moins un moteur de 28cv pour décoller le planeur et il faudra 35cv pour un biplan de 550kg équipé d’un moteur. Ces chiffres serviront “à l’édification des aviateurs de demain !

Peu après, lors de la soirée de création de La Fédération Aéronautique Internationale (FAI) du 14 octobre 1905, après avoir résumé ses tentatives, Archdeacon déclare : “Je pars donc demain soir pour le lac Léman, à Amphion, où m’attendent tout gréés mon aéroplane, un canot de 100 chevaux et mon fidèle ingénieur-pilote Voisin…

Amphion-Les-Bains, capitale de l’hydraviation en 1905

A Paris, Archdeacon est entré en contacte avec le suisse Ernest Cuénod qui pratique la course en canot moteur et fréquente Tellier. Il a convaincu Archdeacon de venir faire ses essais sur le vaste Lac Léman où il mettra un puissant canot à disposition.

Le canot Martini-I de Cuénod va tenter de tracter le planeur sur le Léman (10.1905)

Le canot Martini-I de Cuénod va tenter de tracter le planeur sur le Léman (octobre1905)

Au début du 20ème siècle, Amphion-les-bains (Hte Savoie) est alors connu comme un lieu de villégiature fréquenté par l’élite et un spectacle insolite va s’y dérouler. Le canot cruiser Martini-I de 40cv et l’hydroplaneur sont à flot dans le port, devant les établissements Celle, où naquit peut-être le canot. C’est ainsi que sous les yeux certainement hallucinés, incrédules et néanmoins éblouis de la population locale, ces pionniers s’élancent pour des essais de dix minutes visant au vol plané. Fin octobre 1905, au large du port, on tracte l’appareil qui n’arrive pas à décoller car le canot moteur manque de puissance et que le planeur est freiné par les vagues. Pour alléger ce dernier, on ôte les cloisons verticales entre les ailes, mais l’effet est dérisoire. Ces essais seront un échec.

L’Hydroplaneur Archdeacon

L’Hydroplaneur Archdeacon, allégé, dans le port d’Amphion-les-bains (Hte Savoie) en octobre 1905 avant un essai tracté. Gabriel Voisin est assis à bord : (Photo : E.Cuénod).

Pourtant, entre 1905 et 1907, Voisin construira plusieurs planeurs Archdeacon dans un hangar isolé proche de chez Surcouf. Parmi ses nouveaux clients : Alberto Santos-Dumont pour qui il construira le “XIV bis“. A la fin de 1905 Voisin s’associe avec Blériot. Suite aux mauvais essais de leur hydroplaneur sur le lac d’Enghien, ils se séparent le 12 octobre 1906, un an après Amphion.

Voisin s’associe alors avec son frère Charles et ils fondent la 1ère vraie firme d’aviation du monde à Billancourt. De derniers essais de planeur se tiendront à Bagatelle le 12 novembre, le jour même ou Santos-Dumont décolle avec le XIV bis motorisé par le moteur de Léon Levavasseur ! Quant à E.Archdeacon, il sera l’instigateur des prestigieux Prix Archdeacon et Deutsch-Archdeacon en aéronautique. Quant à Blériot, il réussira bientôt un grand exploit…


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